Sous le soleil.
- vincent beckers-smetana
- 25 juil. 2023
- 3 min de lecture
En hébreu, l’auteur se désigne en tant que Qohéleth (1.1, 12). Le sens de ce nom est incertain. La traduction grecque de l’Ancien Testament l’a rendu par Ecclésiaste, ce qui signifie membre ou orateur de l’assemblée du peuple. Qohéleth a le goût d’instruire, de construire un mouvement de pensée. Sa vision de l’existence n’est pas tragique comme Job, mais lucide et désenchantée. Un mot est martelé tout au long du livre : hével, traduit en français par fumée (1.2), ou encore vanité, buée, évoquant une brume ou un brouillard léger.
On distingue trois parties dans ce livre. Après un prologue (1.1-11), la première partie (1.12-2.26) réfléchit sur la vanité des efforts humains, leurs résultats, ce qu’ils laissent derrière eux. Une deuxième (3.16-6.6) passe en revue les relations amicales, sociales, politiques : réflexion faite, peu de choses différencient l’être humain de l’animal. La troisième (6.7-12.8) montre qu’il est vain de chercher un sens à la vie car la mort est toujours à l’horizon. Un bref épilogue (12.9-14) répond au prologue en appelant à reconnaitre l’autorité de Dieu.

Que retenir ? Peut-être ceci : le corps de l’homme s’en retourne à la terre d’où il a été tiré et le souffle de vie s’en retourne à Dieu qui l’a donné (12.7). Oui, inutile de chercher à donner du poids à ce qui n’en a pas, tout est fumée, mais précisément c’est ce souffle, ce presque rien qui fait l’être humain vivant, car il est don de Dieu. Comme dans le livre de Job, les réponses traditionnelles aux questions sur le sens de la vie sont remises en cause : que faisons-nous de ce qui nous est confié. Sommes-nous aptes à bâtir, concevoir, apprivoiser la vision, ou sommes-nous justes, par distraction dira-t-on simplement occupés à écraser, défaire, démonter, évider ? Alors que Job proteste avec vigueur, Qohéleth reste calme et mélancolique.
Le style du livre est marqué par les répétitions : il y a hével, mais aussi sous le soleil, ou courir après le vent. Le refrain sur le bonheur (2.24-25 / 3.12-13 / 3.22 / 5.17-19 / 8.15 / 9.7-10), le balancement des temps de la vie (3.1-8), l’évocation de la vieillesse et de la mort (12.1-6) sont très poétiques et riches de sens. L’Ecclésiaste rejoint ainsi les croyants désabusés et il invite ceux qui seraient insouciants ou écocides à un sursaut de lucidité pour mieux servir Dieu. Sa petite musique n’est pourtant pas désespérée : justement parce qu’elle est musique, elle peut faire chanter la vie.
Ses formules sont passées dans le langage courant : il y a un temps pour tout, tout est vanité, rien de nouveau sous le soleil, etc. Il est lu par les juifs lors de la fête autrement joyeuse de Soukkot (Cabanes ou Tentes). Le poète anglais Alfred Tennyson (1809-1892) y voyait le plus grand poème de tous les temps. En peinture, on en trouve l’influence dans les vanités (avec crâne humain et symbole du temps qui passe), si fréquentes au 17e siècle. En littérature, il inspire aussi bien François Villon (Testament, 1461) ou Montaigne (De la vanité, 1588) qu’un compositeur de ballades populaires comme Pete Seeger (Tum, Tum, Tum !, 1960).
Nous ignorons la véritable identité de Qohéleth. En se disant fils de David et Roi à Jérusalem (1.1), il se cache derrière Salomon, modèle de sage, sans jamais le nommer. Salomon vivait au 10e siècle avant Christ, son univers baigné de culture hellénistique en témoigne.
Tout comme le Cantique des cantiques, les rabbins ont hésité, dit-on, à intégrer ce livre dans leur liste des Ecritures saintes. Ils l’ont gardé car sa lucidité confirme l’importance des commandements de l’enseignement du Seigneur : reconnais l’autorité de Dieu et obéis à ses ordres, c’est le devoir de tout être humain (12.13). Ainsi, tu bâtiras en paix chaque jour de ta vie sur cette terre.

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